Équinoxe
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 Les Annoncements : Prologue à chaque commandement

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MessageSujet: Les Annoncements : Prologue à chaque commandement    Les Annoncements : Prologue à chaque commandement  Icon_minitimeJeu 3 Fév - 20:42


[Hrp] Avant tout, je ne poste pas ce rp dans "Les huits commandements" car ce n'est là que l'annoncement et non l'accomplissement. Je posterai donc ici les huit annoncements des commendements. Un ajout un peu inutile, mais c'est uniquement pour le plaisir d'écrire plus sur un thème qui m'inspire.

Dans la première partie, je décris les effets de la potion qui a été donnée à Veñor, j'espère que c'est suffisament clair et détaillé car c'est un élement tres important pour la suite. J'ai délibèrement passé le passage ou la potion lui est donnée, ça n'a tout simplement aucune importance, et le RP est déjà bien assez long comme cela. J'avais imaginé qu'il recroiserait le veillard de l'auberge, mais voilà. L'essentiel est qu'on lui donne une potion permettant d'entrer dans l'antre du démon, mais que celle-ci provoque de graves crises auparavant.

Dans la seconde partie, j'ai tenté de me mettre à la place de l'archer en me disant "Qu'aurais-je fait à sa place?" "Comment réagirais-je dans un endroit et une situation pareille?"
J'espere que le résultat paraît suffisament réaliste. Lors du chant, j'ai utilisé des images de Christianisme. Je suis bien conscient qu'il n'y a aucune religion prédominante ici, mais j'ai rédigé ces vers en privilègiant l'esthetique.

Je relève, pour ceux à que ça aurait échappé, qu'il se réveille dans sa chambre alors qu'il ne s'y trouvait pas auparavant. Et qu'il a à chaque fois l'impression de se réveiller ou de cauchemarder. Tous ces effets de la potion, car c'est dû à ses effets, seront dévoilés à fur et à mesure des huit commandements ou des annonces.

Tout est dit je pense, bonne lecture. Smile

[HRP]

____________________________
Premier annoncement: Les Paroles d'un Démon
____________________________
____________________________


J'ai bu la potion qu'il m'a donné ... "Tu verras le Démon" a-t'il dit.

Il m'a empoisonné.

Je titube, mes yeux roulent, hagards, dans l’espoir perdu d’avance de trouver une solution.
Il n'y en a pas.
Mon esprit erre, torturé, il est incontrôlable. Ma raison est déjà loin.
La demande est permanente, seule l’envie est présente.
Le diktat de l’addiction règne. Tic, tac, plic, ploc, doudoum doudoum. Un antidote, il me faut un antidote. Les sons rythmiques résonnent dans mon crâne, comme ceux des tambours traversant la jungle. Ils ne prêtent pas attention à la vie, aux autres sons. Ils ont une mission : passer au-delà, dépasser l’espace pour livrer leur message. Mais, dans ma boîte crânienne close, les battements syncopés rebondissent, se réfléchissent sans atténuation contre les parois. Enfermés, se cumulant les uns aux autres, se distordant dans une cacophonie pulsatoire, ils ne délivrent rien, m’emprisonnent, génèrent la confusion absolue.
Je ne peux plus penser.
La douleur enserre mon esprit et le sens même de ma vie s’échappe, comme un liquide nauséabond, de mon propre corps. Il s’enfièvre, supplicié par un seul but, une mono pensée obsédante.
Ma carcasse s’écroule, se convulse, elle n’est qu’une plaie béante se remplissant de bactéries nocives. Mes lèvres se tordent, je ne suis plus, ou plutôt je suis multiple, protéiforme. Les différentes parties de mon être se sont disloquées et se désarticulent autour de l’amas de chair.

Un cri transperce l’espace. Quelle bête peut donc hurler comme ça ?
J’en ai froid dans le dos. Ma sueur détrempe ma tunique. Le hurlement terrible s’amplifie et vibre au fond de mon organisme crucifié, sans espoir de résurrection. Le cri, les sons, tic, tac, plic, ploc, doudoum doudoum. Je bascule.
Cloué, par les ténèbres qui envahissent les deux hémisphères de mon cerveau torturé. Je n’ai plus de relations entre l’instinct et l’acquis ; plus de raison ni d’intuition ; juste le besoin primaire, bestial, qui obère ma pensée.
J’ai peur, je tremble, des spasmes convulsifs secouent ma dépouille pantelante. Je suis exténué de vivre.
Le cri, encore ; il me terrifie.
Il sort de ma bouche, devenue étrangère ; haut-parleur baveux de mon corps à l’agonie.
Combien de temps vais-je encore survivre à ce supplice ?

Je dois agir, sinon je disparaîtrai totalement dans ce néant qui m’attire. Cette seule porte ouverte en permanence. Cette sortie que je peux facilement saisir, inéluctable. Cet orifice accessible, lubrifié par des années de lente et patiente mortification. Solution définitive et repoussante.
Je dois agir. Le restant d’humanité qui rampe au fond de ce qu’était mon âme, me pousse à continuer, à résister, encore, encore. Une guerre de cent ans dont je ne suis pas sûr de voir la fin. Un infini de souffrance sans limite. Finalité absconse d’une normalité dépassée, dépossédée de sa raison d’être.
Fin à venir.
Avenir de fin.
Finir, avant.
Je--dois-----a-g--iiiir.

Dans un sursaut de dément, je me précipite vers l’extérieur. Rebondissant entre les murs du couloir comme une balle magique lancée par un athlète fou, je veux quitter ce lieu.
Rampant, ricochant, haletant, je m’extrais de ce labyrinthe longitudinal. Couloir de la mort dans lequel je me suis enfermé pour m’isoler du monde sans devenir. Je pousse la porte de sortie, obstacle illusoire de mes évolutions démentielles. Limite factice de mon monde chimérique.
Sans résistance, elle cède au premier assaut, comme une fille trop belle pour être sollicitée.

Dehors, il pleut.
Je m’évanouis presque, sous le choc de l’eau glacée qui s’écoule brutalement le long de mes tempes brûlantes.
Pendant quelques secondes je retrouve mes esprits. Salutaire hiver qui n’en finit pas de cracher sa pluie nordique. Je peux lever les yeux au ciel pour laver mon visage et me rafraîchir les idées.
Mais mon ventre se tord à nouveau, je m'assois à terre dans une flaque grise d’eau gelée. Je ne sens plus le froid qui transit mon corps décadent. Je suis à nouveau prêt à mourir, cette fois dans la rue, écrasé comme une merde sur le sol.
Je veux lutter, mais je rampe sur les pavés entre les détritus qui jonchent le parterre glauque de ce transept urbain comme pour consacrer mon avilissement. Je ne suis qu’un rebut que les citoyens n’ont même pas voulu ramasser. Un déchet non recyclable polluant, à jamais, le sol qu’il touche. Mon esprit fourvoyé s’égare dans des méandres fétides des immondices de la civilisation. Je suis perdu. Je régresse. Je disparais.

Quelle force obscure me pousse à sauver ma vie ?
Pourquoi mon cerveau s’enclenche-t-il de manière erratique et autonome ?
Instinct de vie ? Instinct de mort ?
Tic, tac, plic, ploc, doudoum doudoum. Le rythme s’affole.
Je me mets à compter les jours, comme des moutons.
1, 2, 3,… 5,… 7… 11, 13...
Les chiffres m’échappent, se distancient. Curieusement, seuls apparaissent les nombres premiers, comme une logique floue réservée à une intelligence artificielle. Ils se présentent à mon esprit sans ma volonté.
Pourquoi sont-ils là ?
Que veulent-ils dire ?
Pourquoi premiers ?
Pourquoi ?
Premiers ?
Premier comme un nombre indivisible sauf par lui-même ou le premier. Allégorie mathématique de la vie, symbolisant la vanité du concept.
Je suis le premier ! C'est-à-dire que je suis moi, seul et unique à cet instant à cette seconde. Un besoin d’unité, de reconnaissance absolue, mais éphémère donc relatif.
L’absolu-relatif, aussi impossible que la quadrature du cercle.
Être le premier. Que d'énergies, de combats, de motivation, d’abstinence, de privation pour la gloire d’être le premier.

Premier regard, première vie, premier mariage, nous n'en finissons pas d’accumuler les premières fois. Curieusement elles resteront les modèles auxquels seront comparées toutes les autres fois. L’étalon éternel de notre jugement. Base de notre erreur primale dont nous ne pourrons jamais nous affranchir, esclaves de notre expérience initiale. Coupables de ne pas connaître, avant la première fois.
Le premier pas, les premiers pas : un s sépare des années. Entre les déambulations enfantines et les balbutiements amoureux il n'y a qu’un s. La vie est sinueuse, elle serpente sans cesse entre les faux semblables.
Première fois, premier baiser, premier repère, première arme, premier échec… Les derniers seront les premiers pourquoi faire alors ? Pourquoi tout ce tapage autour du premier ? Et ces nombres qui me colonisent 31... 37... 41... 43... 47...

Les nombres, comme ma raison, s’éloignent eux aussi.
J’abandonne les rigueurs mathématiques et me lance dans une folle conjugaison, résidu de mon éducation :
Je te manque,
Tu me manques,
Il ou elle nous retient,
Nous dépérissons,
Vous lisez,
Ils nous ont enchaînés.
Les verbes se télescopent, globalisent l’intégralité de mon désarroi.
Je ne peux plus continuer ainsi.
Je m’affale dans sur le sol.
Mes yeux se ferment, j’abandonne.

...


Réveillé en sursaut, je tâtonne dans le noir à la recherche ma lanterne de chevet…
À sa place, je trouve une flaque d'un liquide poisseux et nauséabond…
Et là je me rends compte que je ne suis plus dans mon lit, mais allongé sur un sol inégal, dur, humide, plongé dans une atmosphère malodorante et moite…
Il me faut quelques secondes pour réaliser, le temps que mon esprit embué sorte complètement de sa torpeur…
Et là, c'est la panique…
Où je suis, avec qui, comment, pourquoi ? Tout se bouscule dans ma tête, tout se mélange, je n'arrive pas à réaliser…
Je dois sûrement rêver…

Me redressant, appuyé sur les mains, l'objet pointu qui me rentre dans la paume me révèle que non, je ne dors pas. De l'eau goutte quelque part alentour, faisant résonner par mille échos un sinistre signe. Plic… ploc… plic… ploc…
J'essaye, en écarquillant au maximum les yeux, de me repérer, mais non, je suis dans le noir complet, incapable de me situer, de savoir où je suis, où je vais…
Un courant d'air glacé me parcourt l'échine, je ne porte que ma toge de nuit en tissu noir, j'ai froid. Je me recroqueville, les genoux sous le menton pour garder le minimum de chaleur qui me reste.
Un bruit étrange, comme une pierre qui se décroche et dévale une pente, me décide à me lever pour essayer de sortir de cet endroit de misère…

Mon cœur bat la chamade, mon souffle se fait rare, mes yeux s'embuent…
Je fais un pas, puis deux. Pieds nus, je marche dans une espèce de boue sans nom, qui pue la mort.
Je n'ose pas appeler, de peur qu'une créature démoniaque me réponde, mais mon instinct de survie me somme d'appeler à l'aide, de crier ma peur à qui veut l'entendre pour venir me tirer de ce foutu pétrin…

Je risque un murmurant "y a quelqu'un ?" qui ne trouve bien sûr aucune réponse… si ce n'est ce lugubre plic… ploc… et un écho lointain, ma propre voix…

Un second courant d'air finit de me tirer de ma torpeur, bien vite remplacée par une panique et une trouille incroyables…

Je me mets à courir dans les ténèbres de cette atrocité morbide, aveugle comme une chauve-souris.

Je cours, m'écorchant les pieds à chaque pas, la chair de poule envahissant peu à peu mon corps, de froid et de peur.

Et là, je me cogne contre un mur humide et froid, gluant d'une matière que je suis heureux de ne pas voir.
Ce mur arrive comme une sorte de délivrance ; telle un aveugle, je commence à le longer en me disant qu'il arrivera bien quelque part, à MA délivrance…

Haletant, je m'accorde une pause pour tenter de réfléchir un peu. Où suis-je ? Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour en arriver là ? J'ai l'impression que je ne sortirai jamais vivant d'ici…

À ces pensées, je me laisse glisser sur le sol, incapable du moindre pas de plus. Mes genoux s'entaillent au contact de je ne sais quel objet tranchant, je ne sens presque plus la douleur ; j'ai envie de mourir pour que ce cauchemar cesse enfin.

De désespoir, je hurle aux ténèbres frémissantes. Mon cri se répercute longtemps dans cette grotte diabolique…

Ce cri sorti du fond de mes entrailles meurt peu à peu, quand soudain, venu de loin, arrive de plus en plus fort les pleurs d'un bébé que l'on sent torturé, des pleurs de douleur intense qui me glacent sur place.
Ces pleurs entrent dans ma tête pour ne plus vouloir en sortir. Je me bouche les oreilles tant que je le peux, résolu à devenir sourd à ces hurlements insupportables. Mes larmes chaudes coulent de plus en plus et tombent à mes genoux.
Au bout d'un moment qui me paraît une éternité, les pleurs du bébé s'arrêtent enfin. Et quand je commence à desserrer l'étau de mes mains autour de ma tête, un chant de Démon comme heureux du mal qu'il vient de faire, cruel, machiavélique, se met à résonner, à rebondir sur les murs de ma cage sans porte de secours.

"Je me suis emmêlé aux brumes ténébreuses,
En vivant tel un mort sur vos sables amers,
Et nourrissant d'horreurs vos âmes en Enfers,
Je me jouais des Cieux, de leurs beautés affreuses !"


Ce chant est pire que tout. Je me relève le plus vite que je le peux, mes genoux et mes pieds meurtris, je me remets à courir, en gardant toujours le mur comme fil conducteur d'un labyrinthe tenu par un Démon pour Minotaure.


"Je me suis abreuvé de vos mondes déchus,
De vos vies surannées impures, et de haine :
Des philtres si brûlants que même la Géhenne
Me livra le parfum de pêchers inconnus !"


Mes pieds frôlent, marchent dans un tas d'immondices à la consistance et à l'odeur plus répugnantes l’une que l’autre, jusqu'à ce que je m'enfonce jusqu'à la cheville dans un liquide froid comme la mort, puant comme l'Enfer.
Je m'étale par terre, me fracassant encore un peu plus les genoux, déchirant ma toge déjà si peu utile dans ce frigo immonde.


"Ô délice ! Ô passions ! Ô sottes religions !
Étouffez donc encor votre empire damné
De ces vins, de ces pains que toute Sainteté
Se veut à elle seule et sans révolutions !"



Je me relève tant bien que mal, poursuivi par ces rires monstrueux incessants. Quelque chose me frôle la joue, son contact glacé me force à accélérer le pas, je suis à bout, l'air froid me gèle les poumons, je suis frigorifié, j'ai peur, une créature diabolique est à mes trousses, je n'en peux plus, je veux que cela s'arrête, je prie ce satané dieu pour la première fois de ma vie, j'appelle mon frère comme un petit garçon perdu que je suis, je veux mourir pour ne plus souffrir…


"Voyez comme mon temple où vibre la folie
S'étend sans cesse aux Cieux pour mieux les persiffler !
Palpez mes bataillons de morts et la piété
Que m'offrent vos écrits dans leur douce agonie !"


Je m'écroule, inerte, quelque chose m'a fait un croche-pied, mais je m'en fous, qu'il m'achève…
Les rires se rapprochent inexorablement, une main froide comme le métal remonte le long de ma jambe ; je protège ma tête de mes mains, je ne veux pas souffrir, je veux mourir vite.


"Enfants ! Souffrez du charme et du triste bonheur
Que votre Saint Esprit, crucifié, vous murmure
Dans l'ombre du désir et de votre nature
Afin de vous guider vers son propre malheur !"


Les mains remontent le long de mon corps, je sens un liquide chaud qui coule sur moi, les mains arrivent sur mon cou, commencent à serrer…


"Goutez à mes tourments, et non pas à l'Ennui
(Car sa blanche étendue n'est qu'un terne désert),
Ma pyramide est grande et son sourire ouvert
Exhume vos regrets d'une éternelle Nuit !"

La créature à qui apartiennent les mains me parle. Sa voix me
Fait frissoner ... Je connais cette voix.

-"Voici ton premier commandement, raclure humaine. Trouve les porteurs du blason bleu, tues-en un de chaque classe principale. Ramène-moi ces quatres têtes, et ainsi pourra débuter le second commandement. Et ne bois plus jamais ces breuvages destinés à entrer en force dans notre domaine, tu viendrais à le regretter.

À la revoyure frêle archer ... Bien que je serai le seul à te voir. Hahahah."

***

Et je me réveille en sursaut, le souffle me manque, je respire un grand coup pour reprendre mes esprits…

Tout cela n'était qu'un rêve, un putain de cauchemar…

Une douleur me vrille pourtant la gorge. Je porte mes mains au mal et les retire aussitôt. Elle est striée ... Striée par les griffes d'un démon.

Le premier commendement va pouvoir débuter.



Que la fête commence.
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MessageSujet: Re: Les Annoncements : Prologue à chaque commandement    Les Annoncements : Prologue à chaque commandement  Icon_minitimeJeu 3 Fév - 20:44

[HRP] J'explique le texte, car cette fois-ci, il semblerait que ce soit essentiel. Je précise quand même qu'il faut avoir lu les huits commandements.

C'est l'histoire d'une personne comme Veñor, qui elle aussi était emportée par la haine. J'ai utilisé cette histoire pour montrer en quoi le demon voulait transformer Veñor. Vous verrez dans le texte. J'ajoute aussi que dans le texte, les yeux sont la faiblesse des creatures. Raison pour laquelle le Démon a arraché ceux de Veñor. L'histoire peut-être assez difficile à comprendre avant sa chute. Même s'il n'y a aucune scène décrite avec force de détails, il y persisiste des passages peu adaptés à tous.

Voici donc à quoi la haine de Veñor pourrait le mener, le tout raconté sous forme d'histoire.

[HRP]


____________________

Quelle humanité ?
____________________
____________________


Je marche, lentement, laissant mon regard vide planer sur cette immense couche de pierres. Il n’y a rien d’autre à voir par ici : le ciel, noir comme à son accoutumée, nous rappelle le monde dans lequel nous, enfin dans lequel je vis. La plupart des vieulles bâtisses manquent de s’écrouler, certaines réussissent d’ailleurs. Et entre les bâtisses et le sol uniforme, il y a... rien. Le vide, le néant. Il n’y a presque plus personne dans ces bas quartiers. Les gens normaux sont soit très loin depuis une ou deux éternités, soit endormis pour autant de temps. Depuis son arrivée, le Monde a bien changé, accroissant le fossé entre les « pauvres » et les « riches », qui sont devenus les « condamnés » et les « vivants », ou « en sursis » pour les pessimistes.

Elle nous sont tombé dessus par hasard, sans que l’on ne comprenne trop pourquoi. Un jour, on a retrouvé un cadavre mutilé, une expression d’horreur pure peinte sur le visage. Le lendemain, une femme était transformée en soupe informe, avec juste quelques restes encore solides. Les gens ont commencé à parler, à trop parler, de plus en plus souvent et de plus en plus fort. Au début, on a cru à un psychopathe qui voudrait entrer dans la légende, se faire passer pour un démon ou n’importe quelle créature de cauchemar. C’est vrai que ça doit être assez jouissif, sur les bords. Alors les justiciers ou ceux qui se croyaient comme tels ont commencé à réagir : ils ont coffré trois types sans raison, histoire de faire croire à la populace que le monstres étaient partis. Il paraît qu’ils n’ont pas été tendres avec leurs nouveaux jouets... certains passants ont parlé de cris de douleur horribles, suivis de hurlements proprement inhumains... de rage d’abord, puis de douleur. Le lendemain, on retrouvait la demeure des justiciers tapissée de sang et les cadavres éventrés de deux prisonniers. Mais l’image la plus terrible, celle qui marqua tous les esprits, fut cette vision de trois justiciers éviscérés, comme des poissons. C’est à ce moment qu’on a compris que les humains n’étaient plus seuls. Une créature quelconque rôdait dans notre belle ville, et avait décidé de massacrer ses habitants.

Une semaine plus tard, on a entendu parler d’évènements semblables dans la capitale.On aurait dit qu’une chaîne s’était brisée, qu’une des lois fondamentales de notre monde avait été abrogée par le Diable pour faire souffrir ces abrutis d’humains.

Très rapidement, les nouveaux aristocrates ont profité de la situation pour créer de gigantesques forteresses-villes blindées derrière des murs immenses, laissant la majorité de la population dans des quartiers sans défense. Les commbatants ont déserté les quartiers pauvres, ne défendant que ces nouveaux petits rois. Voilà pourquoi nous sommes les « condamnés » : peu importe quand, nous mourrons tous, à moins de trouver un moyen miraculeux pour rentrer chez ceux dont la vie importe.

Aujourd’hui, le ciel est plus noir encore que d’habitude. Je n’aime pas jouer les devins, mais je dois avouer que ces derniers temps, les signes mystiques m’ont bien aidé à survivre. Peut-être est-ce juste mon intuition, en réalité. Toujours est-il que cet air lourd, cette lumière absente et cet infâme parfum de mort nouent mon estomac alors que j’approche du bâtiment miteux qui nous sert d'auberge. Autrefois, c’était sûrement une belle bâtisse : plutôt haute, en belle pierre, de riches gravures sur l’entrée... sa déchéance a de quoi révolter. Mais de nos jours, c’est surtout le seul bâtiment un tant soit peu peuplé, surtout aujourd’hui : c’est le jour de la distribution de nourriture. Même parmi les protégés, il y en a encore qui pensent à nous et qui font livrer de quoi nous faire survivre. Il y a même parfois des armes, pour ceux qui voudraient s’autoproclamer défenseurs des opprimés. M’est avis qu’ils nous regardent surtout à travers un aquarium... et il n’y aurait plus de spectacle si nous venions tous à mourir... si ?

Mais, malgré mon immense joie à l’idée de survivre une semaine de plus, je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine appréhension lorsque je franchis le seuil de la porte principale.
Et le ciel avait raison.

- Pi... pitié ! Nous faites pas de mal ! On fera tout ce que vous voudrez !
- Cela m’étonnerait...

La voix me glace le sang. Ce son aigu, désincarné, semble poussé par une âme damnée. Cette voix écorchée, inhumaine, traduit une douleur que je suis incapable d’imaginer. On dirait la voix d’un avatar de la vengeance.

Pourtant, pour une raison inconnue, j’entre. J’entre et je me fige sur place. C’est la première fois que je la vois : normalement, elles ne laissent aucun témoin. La créature n’a rien d’humain, c’est clair : une couche noire recouvre son corps, indiscernable sous cette couche. De nombreux pieux rougeâtres sortent de partout, comme s’ils perforaient sa chair. Malgré sa laideur apparente, quelque chose dans cette monstruosité m’interpelle. Devant elle, au loin, j’aperçois une foule apeurée. Belle prise en effet que ces dizaines de personnes. Bon jour, bonne heure : le massacre promet d’être sanglant. Certains sont recroquevillés sur eux-mêmes dans une position de vaine protection, d’autres, à genoux, prient un Dieu qui ne viendra pas les sauver. Les plus pathétiques rampent devant la créature, implorant un pardon qu’elle ne semble pas prête à accorder. Soudain, un homme se lève, brandit une épée et braille :

- Bon, ça suffit maintenant. Casse-toi et mon père te laissera peut-être chasser quelques misérables bâtards. Les Hommes en Noir ne pardonnent pas, chienne.

Les Hommes en Noir, c’est la seconde preuve de l’intérêt des hauts placés pour notre vie. C’est une unité de d'assassins, d’anciens légionnaires sociopathes et d’autres malades mentaux qui traque les Créatures chez nous. En échange de leurs trophées, on les laisse vivre, et certains le font même par plaisir. Intégrer les Hommes en Noir, c’est le meilleur moyen pour un assoiffé de sang de passer pour un héros tout en perpétrant quelques massacres. Le père de ce jeune homme bien habillé et prétentieux en ferait donc partie ? Il a dû terriblement le décevoir pour être forcé de rester ici. Ou alors est-il venu se moquer de nous ? Ce n’est pas impossible.

Il n’aura cependant pas l’occasion de le faire. Sa main armée tombe par terre dans une gerbe de sang tandis que, de l’autre, il tient son moignon. Relevant la tête, il se prépare à beugler une insulte pour oublier la douleur au moment où un pieu gigantesque vient le perforer de part en part. Il ne peut rien faire, la Créature semble évoluer dans un monde où le temps ne s’écoule pas de la même manière. Il n’a même pas eu le temps de crier qu’il baigne dans ses propres entrailles.

Laissant le corps à l’agonie, elle se rapproche d’une foule de plus en plus paniquée, probablement pour son plus grand bonheur.

Alors, tandis que ma raison m’ordonne de détaler, un quelconque instinct guerrier stupide me fait ouvrir ma grande gueule :

- Regarde par ici, plutôt.

Contre toute attente, elle se retourne. Sa tête, contrairement au reste de son corps, semble presque humaine. Le teint est tout aussi noire que le reste, la peau semble comme mise à vif par une torture quelconque, mais les formes rappellent celles d’un être humain.

Lentement, elle se rapproche de moi. Le sol vibre sous ses pas, et je sens qu’elle essaie de me terroriser. Pourtant, mon estomac s’est dénoué et, en vérité, je n’ai plus l’impression de la craindre. Peut-être ai-je toujours voulu mourir ?

À quelques mètres, elle s’arrête et, de sa voix démoniaque, me demande :

- Que veux-tu, humain... ?

Elle prononce ce mot avec dégoût. Derrière elle, tous les yeux sont rivés sur l’abruti qui défie celle qui a osé tuer le fils d’un des Hommes en Noir.

Avant de répondre, je prends le temps d’observer son regard, maintenant qu’elle est plus proche de moi. Ses yeux jaunes pétillent, comme si... comme s’ils cachaient une âme. Même, en plongeant mon regard dans le sien, en soutenant ses menaces, je parviens à gratter légèrement la carapace monstrueuse. Et, au-delà de l’insoutenable haine, au-delà de cette colère noire qui broie les humains comme des fétus de paille, je vois une douleur indicible. Cachée dans les tréfonds du « monstre » se trouve une âme en peine, une créature profondément blessée par je ne sais quoi qui a transformé cette blessure en force.

- Tu as... une âme, réussis-je à articuler faiblement en guise de réponse.

La surprise se peint sur son visage, qui semble encore se durcir après mes paroles. Ses yeux rétrécissent, je vois bien qu’elle tente de cacher ce que j’ai vu. Soudain, sans prévenir, elle hurle un « Assez ! », avant de murmurer quelque chose que je ne comprends pas, quelque chose qui a un rapport avec la mort, sûrement la mienne. Je ne suis déjà plus de ce monde.

.........


Le tonnerre gronde. Je me dépêche de rentrer chez moi. D’après mes sensations, je suis dans un corps plutôt faible, et jeune. Une fillette je dirais. Elle court sous la pluie, elle se dépêche de rentrer. Elle n’aime pas être mouillée, et puis je sens qu’elle a envie de rejoindre sa mère. Elle est pleine d’illusions, ce qui est normal à son âge. Soudain, je la sens trébucher. Elle tombe sur le sol sale, s’écorche les mains en tentant de se protéger. Pourquoi est-elle tombée ? La réponse vient des deux côtés, de derrière les sombres bâtisses qui bordent la route : d’autres enfants, au regard malfaisant, s’approchent. Ils ont dû tendre un fil, mais elle ne le comprend pas. La petite fille, apeurée, regarde à gauche, à droite, ne comprenant pas. D’autres encore viennent par-devant, toute fuite est impossible.

- Qu... qu’est-ce que vous faites ?

Aucune réponse. Le premier des gamins, un gros garçon, se contente de l’envoyer par terre d’un coup de bâton. J’ai mal. Mes nerfs, non habitués à cela, sont en feu. Mais d’autres coups pleuvent. Je sens des pointes s’enfoncer dans mes petites jambes : l’un des « enfants » a une botte avec des sortes de crampons. Je crie de plus belle, mais eux rigolent. Je suis ballottée : un coup de pied m’envoie d’un côté, et la seconde suivante je suis prise par le cou pour être jetée à nouveau. Qu’ai-je fait ? Rien.

Cela dure de longues minutes. Mon corps, meurtri, est sur le point de lâcher lorsque le gros porc lâche : « Allez on se casse », mettant fin à la séance de torture.
Mais je sais qu’un jour, ils paieront. Tous.
Puis un voile noir.

Un fracas. Une porte que l’on défonce, je crois. Il fait sombre dans la maison (une maison ?) j’ai l’impression que les lanternes se sont éteintes. Un courant d'air peut-être ? Un cambriolage ? Après quelques minutes d’attente, je descends (une maison à plusieurs étages ?) pour aller voir ce qui se passe. D’après ce que je ressens, je dois désormais avoir une douzaine d’années, et les blessures ont fini par cicatriser. Nul n’en a jamais rien su, pas même mes parents. C’est le bordel, j’entends des cris étouffés. Un choc retentit: un cri m’échappe et mes jambes accélèrent. Lorsque j’arrive aux dernières marches, je vois un spectacle terrible : mon père est étendu sur le sol, baignant dans son sang. Son visage reflète son incompréhension, sa surprise lorsqu’il a compris qu’il allait mourir pour... rien. Je relève la tête, et mon esprit crie lorsque les vois, ce sont des hommes, plus que cela c'était mes amis. La gamine, elle, ne les connaît pas et les regarde, médusée, entailler la peau de sa mère qui se débat comme une damnée.

- Laissez ma maman tranquille... tente-t-elle de crier, rattrapée par ses sanglots.

Les hommes prennent alors conscience de sa présence, les torches se tournent vers elle, l’aveuglant.

De mon regard embué, je les vois sourire. Ils ont une idée tordue. Ce sont des démons. L’un d’eux, un homme gigantesque dont je ne vois pas le visage, me prend la main. Je résiste, je sens que je ne dois pas, mais je suis trop faible. Il me donne un couteau, et m’emmène vers ma mère, qui est ligotée à demi-nue sur une chaise. Ses yeux sont rouges d’avoir trop pleuré, c’est tout ce que je vois. Je vois aussi ma main, forcée de se rapprocher de son ventre dénudé. Je pleure, je hurle, je me débats, mais je ne peux rien faire : lentement, la lame perfore le corps de « maman », qui crie sa douleur, amplifiant la mienne. Et je frappe, encore et encore. Le ventre s’ouvre, je suis pleine de sang, et maman n’est toujours pas morte ! Son corps est encore secoué de spasmes, de sanglots. Alors, pour la dernière fois, ma main s’abaisse. La lame perfore la gorge dans une gerbe rougeâtre, et je m’effondre sur le sol. Le choc est tel que je sens mon véritable corps lâcher prise en même temps.

L’un des hommes coupe alors les liens qui retenaient ma mère, et pousse le cadavre d’un coup de pied. Je me sens à nouveau emportée, et je remplace bientôt maman sur la chaise. Je suis comme elle : mes yeux sont rougis par les pleurs, et c’est un flot continuel qui s’écoule sur mes joues. Que peuvent-ils faire de pire que me forcer à tuer ma propre mère ? J’ai ma réponse lorsque l’un d’eux, qui semble être le chef puisqu’il aboie de temps en temps des ordres aux autres, déboutonne sa ceinture. Bien sûr. Un haut-le-cœur prend mon esprit alors que je comprends l’étendue de la monstruosité de ces créatures.

Je peux sentir son haleine fétide. Je l’entends susurrer des mots imprononçables. Et puis je ferme les yeux, ne pouvant supporter cette scène. Je le sens à l’intérieur de moi, j’entends ses cris et ses gémissements de plaisir. Je les sens tous, qui souillent chacun leur tour le corps de cette pauvre fille.

Et puis ils s’en vont, laissant là cette âme morte dans un corps encore vivant.

Et là, je sens la Haine prendre forme. Toute ma vision s’obscurcit, je ne vois plus que des flammes. Tout ce monde maudit part en fumée, aucune de ces créatures abjectes ne pourra y survivre. Tout doit périr. Il n’y a plus que la Mort qui puisse sauver ce monde de l’inhumanité humaine.

Haletant, je reprends connaissance dans le monde réel. Je sens un goût désagréable dans ma bouche, et je comprends que j’ai failli vomir. Je me sens en effet très mal. J’ai du mal à faire la part des choses, du mal à sortir de cette Haine si vivace qui m’animait il y a encore quelques secondes. Puis je me souviens : ce regard de braise, cette créature étrange. Elle se tient là, devant moi mais plus loin que la dernière fois, attendant probablement ma réaction. Devant son absence, elle prend la parole :

- Ils méritent de mourir ! Tous !

Elle hurle de rage. Je dois réagir si je veux pouvoir servir à quelque chose. Je fais un pas, deux, trois vers elle. Elle détourne le regard, je le sens. Elle ne veut pas avoir à soutenir mes yeux, elle ne veut peut-être pas voir son reflet à l’intérieur.

- Regarde !

J’accélère le pas. Plus que quelques mètres. J’arrive enfin à son niveau. Elle tremble, elle ne comprend pas ma réaction. Moi non plus, en vérité, mais je ne m’embarrasse pas de ce détail. Je plonge mon regard dans le sien. Cette fois, c’est à moi d’envoyer mes souvenirs si je veux qu’elle ait la moindre chance de s’en sortir.

La Haine. Encore et toujours. Immédiatement, elle m’emporte. Je résiste. Cette fois je suis le maître du jeu, c’est à mon tour d’envoyer des souvenirs. Malgré la pauvreté de ce monde, je tente de penser à quelque chose de joyeux. Si ma propre vie ne vaut rien, pourquoi tenter celle des autres ? Je prends un souvenir quelques années en arrière, alors que je vivais encore dans une certaine insouciance.

Je crie. Je lève les bras. Nous sommes dans une fête, comme j’aime tant. Comme tous les adolescents. Je crie. Je hurle ma joie d’être en vie, tout simplement. Le bonheur de sentir mon corps vivre, sans artifice comme les combats. Je n’ai pas besoin de cela. Je suis en vie, c’est tout. Et ça me suffit à être heureux, pour le moment. Qu’en dis-tu, Créature ? N’as-tu jamais vécu cela, toi ? Parmi tous ces souvenirs atroces que tu m’as montrés, n’y en a-t-il pas un seul qui ne soit une définition de la joie, tout simplement ? Passons à un autre souvenir.

Autour de moi il n’y a pratiquement que de l’herbe. Je suis bien ici. Mais je me sens bien surtout grâce à la présence de la somptueuse créature de rêve qui est allongée à mes côtés. Cela doit faire plusieurs heures que nous sommes là, côte à côte, main dans la main, sa chevelure blonde venant effleurer ma tête. Je sens la Créature énervée par ces bons sentiments. Alors je laisse couler le souvenir. Je la laisse vivre nos baisers fougueux, nos échanges de regards et de sourires. Il n’y a pas besoin de plus que cela pour que je revive ce doux moment.

Ô Créature, n’as-tu jamais vécu cela ? Ou au moins rêvé de le vivre ? Je suis persuadé que si. Au fond de toi, tu aimerais être à la place de cette fille à mes côtés, tu aimerais que je te regarde comme je la regarde. Ne le nie pas, Créature, et viens avec moi !
Vois-tu, Créature, même dans la peine on peut trouver du bonheur. C’est dans la peine que j’ai découvert de nombreuses choses. La peine n’engendre pas forcément la haine.

Nous revenons à la réalité. C’est le moment de vérité. Elle n’a pas bougé, tentant de comprendre ce que je lui envoyais. Dans son regard, la Haine perd du terrain.

- Tu m’as montré des atrocités. Mais l’humain n’est pas que cela. Tu as choisi la voie de la destruction : mais à quoi cela sert-il ? À rien. Ce monde est pourri, tu dis ? Alors viens, viens avec moi et nous le changerons afin que dans dix ans, plus personne ne puisse penser cela. Ta Haine ne résout rien.
- Je...

La voix se transforme, peu à peu, et je mesure mes paroles. J’ai agi par instinct. Je ne suis pas du genre à défendre l’humanité, d’habitude. Peut-être est-ce le fait d’avoir replongé dans ces souvenirs qui m’a donné envie de ne pas voir tout ceci disparaître. Peut-être ai-je volontairement occulté ce monde noir pour ne voir que ses quelques rares bons côtés ? Ou alors ai-je été dans le vrai pour la première fois de ma vie ?

Sous mes yeux médusés, la Créature se transforme. Les pieux qui la transperçaient se rétractent, retournant dans les Enfers d’où ils n’auraient jamais dû s’échapper. Elle redevient une créature humaine. Elle est belle, très belle, elle me rappelle mon premier amour. Était-elle comme cela avant de se transformer, ou a-t-elle voulu ressembler à ce qu’elle a trouvé de plus beau ?

Une larme de bonheur perle à mes yeux. J’ai transformé un monstre en être humain. J’ai montré la victoire de l’Espoir sur la Haine. Cela ne me ressemble pas, mais j’en suis heureux malgré le monde en décomposition qui m’entoure.

- Crève !

Un cinglé se jette sur elle. Je n’ai pas le temps de bouger. Elle non plus, elle ne s’est pas encore remise de son humanité, elle est en train de revivre. Il la poignarde. Il a un regard de fou, un regard digne d’un Homme Noir. Il fait partie de ceux qui rampaient, salopards hypocrites. Dès que la puissance disparaît, ils laissent libre cours à leur méchanceté. Je me crispe.

Le reste de la foule ne l’arrête pas. Au contraire. Hommes, femmes, enfants, tout le monde se jette sur la fille désormais démunie. Elle est rouée de coups, et je ne peux rien faire.

- Arrêtez ! Bordel, arrêtez !

Je cours vers eux malgré tout. Il faut que ce massacre cesse. Je ne l’entends plus. Elle doit pleurer en silence, ayant déjà vu par le passé que les cris de douleur ne font qu’augmenter le plaisir des tortionnaires. Un homme se retourne vers moi et me jette par terre sans ménagement. Je les ai sauvés, et ils l’ont déjà oublié. Ce ne sont qu’une bande de sauvages.

C’est quand ma vision se voile et que je les imagine tous morts que je comprends. Ils le méritent.

Au nom de quelle humanité ai-je refusé à cette créature une juste vengeance ? Au nom de quels principes ? Quelle humanité pouvez-vous voir dans ce déchaînement de bestialité ? Maintenant que personne ne les menace, ils laissent libre cours à leurs instincts. Leur cruauté est sans limites, leur sadisme insupportable. Est-ce ça, l’Humanité qui se cache derrière mes belles paroles ? J’en ai un haut-le-cœur, je manque de défaillir tellement mes propos me dégoûtent. Au nom de quelle humanité ai-je osé m’interposer ?

Je comprends alors. Il n’y a plus que la Mort. Sans raison apparente, je hurle de douleur. Des pieux me transpercent le corps de part en part, rougissent de mon sang. Ils l’absorbent. Ce corps ne vaut plus rien, je refuse d’être assimilé à ces animaux. Moins je leur ressemblerai, mieux ce sera. Que tout ce sang pourri aille sur ces pieux, et qu’il y reste pour l’éternité ! Qu’ils crèvent ! Tous ! La Haine libèrera ce monde !

- Regardez-moi, chiens !

Ma voix s’est déformée. Je suis méconnaissable. Je ne suis plus humain. J’en suis bien heureux. Les humains ne méritent pas de vivre. Cette bande de porcs vient d’implorer une mort lente et douloureuse, et je vais lui offrir.

Lentement, je me relève et marche vers eux. Ils s’éloignent, montrant le corps martyrisé sur lequel ils s’acharnaient. Elle est morte, depuis plusieurs minutes. Elle n’a rien dit, elle a juste laissé perler une larme. Une larme de regret. Ma rage s’intensifie. Je les vois brûler alors même que je n’ai encore rien fait. Je ne peux plus supporter leur présence. Qu’ils crèvent ! Qu’ils crèvent, bordel !

Leur regard est plein de terreur. Leurs yeux se sont rétrécis. Ils pensent à m’implorer. Bande de sous-merdes hypocrites. Sans aucun honneur. Comment osez-vous vivre, comment osez-vous fouler ce monde de vos pas purulents ?

- Crevez !

La Haine a entendu mon appel. Ma volonté a été assez forte, enfin. Je les transperce avec mes pieux, je les transperce avec mon sang, avec leur propre sang maudit. Je les force à regarder leur création. Ils baignent dans leur liquide vital. Il n’y a nul autre endroit pour eux que celui-ci. Ils doivent tous rester ici, pourrir sur place. Ils n’ont plus qu’à être rongés par les vers comme l’est leur âme depuis trop longtemps. Chaque mort ajoute un tache à ma peau, bientôt, je serai comme elle. Elle qui avait raison ...

Je le sais désormais. Seule la Mort délivrera les humains et, peut-être, leur fera comprendre ce qu’ils sont. Alors seulement je m’arrêterai de les pourchasser, de les massacrer, de les abattre à la chaîne comme les animaux qu’ils sont.

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Je me réveille, mais ma vision reste obscure. Ah oui, quelle vision?
Je me remémore ce cauchemar. Cette créature ... J'avais peur d'elle. Pas peur de ses pieux, de sa peau sombre, ou de sa monstruosité.

Non, j'avais peur d'elle ... Car nous nous ressemblons.
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Les Annoncements : Prologue à chaque commandement
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